Les enseignements du Bouddha de médecine
Selon les enseignements du Bouddha Shakyamuni consignés dans le Soutra de l'entrée dans la matrice, les maladies sont divisées en quatre classes. La première comprend des maladies relativement bénignes dont on se remettra, que l'on prenne ou non des médicaments.
La deuxième concerne des maladies plus sérieuses, voire graves, mais dont la guérison reste encore possible à condition de prendre les remèdes appropriés. De nos jours, nous avons le choix entre de nombreuses procédures médicales modernes et efficaces, telles que l'acupuncture, la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, etc.
La troisième s'applique aux maladies qui ne répondent à aucun remède thérapeutique, celles dont on ne se remettra pas en utilisant de simples médicaments ou autres traitements médicaux. Il reste cependant possible de les soigner - et donc de recouvrer la santé - par la pratique de techniques spirituelles appropriées enseignées dans le Bouddhadharma.
La quatrième classe de maladies englobe celles qui possèdent une nature terminale irréversible déterminée par le karma. Lorsque le corps manifeste une telle maladie, la mort est inévitable et, quelle que soit la quantité de remèdes ou la procédure médicale employées, rien ne pourra la prévenir. En fait, dans ces cas-là, l'usage de médicaments - à l'exception des narcotiques contre la douleur - ne sert qu'à accroître les souffrances.
Les enseignements du Bouddha de médecine s'adressent plus particulièrement à ceux qui souffrent de la troisième classe de maladies, maladies pour lesquelles on n'a pu trouver de traitement therapeutique adéquat, mais auxquelles on peut encore remédier par la pratique des profondes techniques spirituelles. Dans la tradition bouddhiste, les plus éminentes de ces techniques sont les pratiques spirituelles associées au Bouddha de médecine. Grâce à elles, on arrive à découvrir et à accéder aux forces de guérison innées, inhérentes à la nature fondamentale de tout être vivant. Les patients peuvent ainsi se guérir de maladies sur lesquelles médicaments et procédures médicales n'ont aucun effet.
En tant qu'êtres ordinaires, nous avons tendance à penser que les maladies ont des origines physiques et exigent des solutions physiques. Il est donc normal de se demander comment il est possible qu'une pratique spirituelle puisse aider le corps à guérir. Cette question devient encore plus cruciale chez ceux qui n'ont aucune foi en les pouvoirs miraculeux d'un Dieu créateur, Cependant, avec un peu de foi ou même le simple pressentiment d'une réalité spirituelle quelle qu'elle soit qui transcende les limites d'un univers strictement matériel, l'on commencera alors à s'intéresser sérieusement à la réponse que nous offre la tradition bouddhiste à cette question.
Dans la tradition du bouddhisme vajrayana, nous répondrons à cette question - Comment peut-on guérir par la pratique spirituelle ? - en considérant deux points de vue : le point de vue de la vérité ultime de la nature de la réalité, et le point de vue des vérités relatives, qui examine la manière dont nous apparaissent les choses alors que nous n'avons pas encore réalisé la première vérité.
Du point de vue de la vérité ultime, tous les phénomènes, y compris tous ceux que nous considérons à tort comme de la matière physique, sont dépourvus de toute existence inhérente. Bien qu'ils apparaissent très solides et réels à nos yeux, ils ne sont en fait qu'apparences illusoires dénuées de toute réalité intrinsèque, tels une manifestation de lumière dans l'espace, une aurore boréale, un arc-en-ciel, un écho, un éclair, un mirage, une manifestation magique, un rêve, une hallucination, des images de cinéma ou de télévision, ou le reflet de la lune dans l'eau. Aucune de ces apparences illusoires, y compris ce que l'on considère comme matière, ne possède d'existence réelle, séparée, permanente, solide ou intrinsèque, indépendante de causes et de conditions tout aussi inexistantes et en éternelle mutation. De nos jours, lorsque les scientifiques examinent et sondent les atomes que nous avons considérés durant des siècles comme les composants du monde matériel, ils ne trouvent aucune particule de matière qui soit indivisible et donc permanente. Ils ne trouvent généralement que de l'espace habité de toutes sortes d'énergies aux noms divers qui s'y bousculent. Ces énergies elles-mêmes n'ont aucune substance elles sont impermanentes et imprévisibles. On ne peut dire qu'elles possèdent une existence permanente quelle qu'elle soit. Plus les scientifiques approfondissent leurs recherches, plus la nature de la matière apparait illusoire. Le Bouddha découvrit cette même vérité en méditation il y a 2 500 ans, et la tradition bouddhiste l'enseigne depuis.
Tous les phénomènes sont éphémères, en mutation constante tout comme les figures d'un kaleidoscope. Aucune de ces manifestations illusoires - Y compris celles de maladies et d'affections, simples apparences dénuées de réalité intrinsèque elles aussi - n'a le pouvoir de nous faire souffrir sauf si, à tort, nous les tenons pour réelles et solides. Lorsque nous nous méprenons sur ces manifestations, lorsque nous les tenons pour réelles, nous nous fixons sur elles et les amenons alors à se solidifier dans notre expérience. Cela leur donne l'apparence d'une réalité solide, substantielle. Ainsi, dans notre vie, les maladies deviennent pour nous très réelles, très physiques, et nous en souffrons.
Cependant bien que tout ce que nous appréhendons soit privé de toute existence inhérente nous expérimentons malgré tout quelque chose. Quelle est donc cette chose ? C'est l'esprit.
La nature des choses ou la nature des apparences ne sont en ultime analyse que vacuité, vibrations ou manifestations de lumière sans substance d'un esprit également vide et sans substance, mais pourtant lumineux.
Lorsque l'on est véritablement capable de reconnaître maladies et affections comme "le simple déploiement, rayonnement ou lumière de l'esprit qui les expérimente", dénué de toute existence solide inhérente, alors la souffrance disparait. Quelle que soit la maladie des trois premières catégories dont on souffre si l'on est capable de reconnaître sa vraie nature qui n'est que le déploiement magique et vide, le rayonnement ou la lumière de l'esprit qui les souffre, si l'on est capable de reconnaître sa vraie nature on ne ressentira aucune souffrance, et, selon la profondeur et la totalité de cette réalisation, la maladie disparaitra dans l'espace primordial vide et pur et l'on sera guéri. Même si l'on est touché par la quatrième catégorie de maladies et que, karmiquement, la mort est inévitable, on mourra sans souffrance ni peur, car tous les phénomènes, y compris la maladie, sont vides, Ils ne possèdent aucune sorte de réalité solide et permanente, indépendante des causes et conditions elles-mêmes vides et interdépendantes. Ils n'ont tout simplement aucune solidité, sont toujours en mutation, représentations de lumière kaleidoscopiques dans la vaste étendue primordialement pure de la conscience vide lumineuse.
Cela est la façon de considérer les maladies et affections du point de vue de la vérité ultime. Il est très utile et très bénéfique de la comprendre. Cependant, il est important de rappeler que la vérité ultime ne pourra jamais être exprimée fidèlement par des mots et des constructions mentales conceptuelles. Mots et concepts, y compris le concept littéral de "vérité ultime", ne représentent rien de plus que "le doigt désignant la lune". Ils ne sont pas "la lune" elle-même. En fin de compte, la vérité ultime ne peut s'exprimer par des mots ou des concepts.
Bien que le Bouddha Shakyamuni ait donné de nombreux enseignements sur la vérité ultime, il avait conscience que s'il se cantonnait à ceux-ci, la grande majorité des êtres sensibles ne serait ni capable de les comprendre ni en mesure de progresser spirituellement en s'y appuyant. C'est pourquoi le Bouddha enseigna aussi ce que l'on appelle la "vérité relative", qui est la vérité des choses exprimée en mots et en idées que peuvent comprendre les êtres communs. Il leur est plus facile de saisir la vérité relative qui se rapproche davantage de la manière dont ils perçoivent et comprennent couramment le monde ainsi que de leur vécu personnel. Le Bouddha enseigna d'innombrables vérités relatives différentes en accord avec la grande variété d'êtres qui ont des dispositions, des intérêts et des aptitudes diverses. Ainsi a-t-il proposé des vérités, des voies spirituelles basées sur ces vérités, qui, à court terme, sont bénéfiques aux êtres et, à long terme, ouvrent progressivement la voie à une compréhension spirituelle plus large et plus profonde.
Du point de vue de la vérité relative, tout ce que nous expérimentons - aussi bien les différentes sortes de bonheurs et de bien-être que les divers types de souffrances résulte de causes et de conditions. Si nous expérimentons bonheur, bonne santé et enrichissement spirituel, c'est parce que nous avons pratiqué la vertu, des actions bénéfiques dans le passé. Si nous expérimentons chagrin et autres formes de souffrance, c'est parce que nous nous sommes engagés autrefois dans des actions préjudiciables et négatives, dans des actes nuisibles de toutes sortes. Ce principe de cause à effet explique l'apparition des maladies et affections. Si nous en souffrons, ce n'est pas le résultat d'une cause physique accidentelle sans rapport avec nos propres comportements passés négatifs qu'ils soient du fait du corps, de la parole ou de l'esprit. Au contraire, en conséquence de toutes les maladies et affections, et toutes les souffrances qui en découlent, surgissent comme la conséquence d'un karma négatif - comportements préjudiciables du corps, de la parole ou de l'esprit.
Si ces actions nuisibles ou inadéquates sont mineures, elles s'épuiseront naturellement, et la santé se rétablira, que l'on prenne ou non des médicaments. La durée des maladies générées par de tels actes varie selon la fréquence à laquelle on les a commis ainsi qu'en fonction de la pratique spirituelle.
Si ces actions nuisibles et inadequates sont graves, mais que nous vivions malgré tout à une période où, grâce au positif émanant d'actes bénéfiques accomplis personnellement et collectivement dans le passé, des médicaments et des méthodes thérapeutiques capables de nous guérir sont disponibles, si nous les utilisons, nous guérirons de la maladie.
Si les causes karmiques de notre maladie sont extrêmement graves et que nous n'avons pas atteint le huitième bhumi de l'éveil du bodhisattva - niveau où l'on est capable de transcender toute maladie physique si on le désire, alors nous mourrons certainement de cette affection.
Cependant, si les causes karmiques de notre maladie sont telles qu'aucun médicament ou procédure médicale ne puissent en venir à bout, mais pas assez puissantes pour déterminer la certitude d'une mort imminente inhérente à cette maladie, alors si nous nous efforçons de pratiquer le Dharma, les pratiques spirituelles pourront nous guérir. Dans un tel cas, celle du Bouddha de médecine est inestimable.
Lorsque nous disons que les actions nuisibles ou inadéquates sont les causes de nos maladies, il est d'une importance vitale que nous comprenions que ce ne sont pas simplement des actes commis par notre corps et nos paroles, mais aussi ce que nous ressentons et pensons dans notre esprit. Bien sur, si nous tuons sous l'effet de la colère et de l'agressivité, ces actions créent du karma négatif qui laissera de fortes empreintes dans notre courant de conscience. Si ces empreintes négatives ne sont pas purifiées par la pratique spirituelle, elle donneront naissance par la suite à différentes circonstances: on peut être tué, en proie à la maladie et à la souffrance mentale - incluant de la colère et de l'agressivité croissante ainsi que le désir continuel et irrésistible de tuer, renaître dans des environnements désolés dans lesquels ont lieu de nombreuses tueries ou même des guerres incessantes. Tout cela dépend et est conditionné par la fréquence et l'intensité de nos actions meurtrières ainsi que par la force des émotions qui nous ont motivé et inciter à tuer cependant nous devons toujours nous rappeler que ces causes peuvent être purifiées et que la pratique spirituelle peut nous épargner une telle catastrophe.
Extrait du livre: Les enseignements du Bouddha de médecine par khenchen Thrangu Rinpoche.
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