
Le bouddhisme: une doctrine médicale?
C’est une idée assez ancienne que les « quatre vérités » du bouddhisme sont empruntées à la médecine. On la trouve pour la première fois explicitement développée chez Kern : « [...] c’est à la médecine que sont empruntées les quatrev érités cardinales que le Bouddha découvrit près de l’arbre de la science [...]. »
Cette idée se fonde sur une évidente analogie entre la douleur, dont Bouddha cherche à affranchir les hommes, et la maladie, que le médecin doit traiter. En effet, les quatre vérités qui concernent la douleur en général, peuvent très biens ’appliquer à la douleur physique en particulier. Plus tard, d’autres auteurs, comme Zimmer et Conze, ont repris cette idée. « En tant que doctrine magique, explique Conze, le bouddhisme promet d’écarter les maux physiquement, en tant que doctrine spirituelle, il vise à purger l’esprit d’une attitude erronée vis-à-vis de ces maux.».
L'auteur Kern a même cru pouvoir aller plus loin : « [...] dans le yoga, l’analogie entre la médecine du corps et celle de l’esprit est encore plus nettement indiquée, écrit-il. Voici ce que dit un yogin à ce sujet : ‘‘Le germe d’où sortent tous les maux (spirituels) est l’ignorance, tandis que la véritable intelligence les extermine. De même que la thérapeutique a quatre objets principaux : la maladie, la cause de la maladie, la guérison et le remède, de même ce système (le yoga) consiste en quatre parties, à savoir : le Samsara, la cause du Samsara, la délivrance, le moyen de la délivrance’’. »
Ainsi, ce n’est pas d’un simple emprunt à la médecine que nous parlent ces auteurs, mais d’une véritable filiation du bouddhisme à la médecine. Le bouddhisme ne serait en fait que la médecine de l’esprit. Que peut-on dire de cet emprunt supposé de la doctrine des quatre vérités à la médecine indienne ?
À la suite de Filliozat, on peut discuter cette affirmation. Considérer le bouddhisme comme une médecine de l’âme est une chose. En conclure à la parenté du bouddhisme et de la médecine en est une autre. Aucune source ne démontre que la médecine indienne possédait une quelconque expression des quatre vérités avant le bouddhisme. L’expression des quatre vérités de la médecine que donne Clifford n’est qu’une reconstitution de ce qu’elles auraient pu être si elles avaient été présentes dans les textes. De plus, on pourrait trouver ces « quatre vérités de la médecine » dans n’importe quelle autre culture médicale du monde, puisque le but et la méthode de travail du médecin sont sensiblement les mêmes partout. Inversement, celui des tantra médicaux qui, selon Filliozat, est le plus bouddhique, énumère bien des « vérités de la médecine », mais elles sont au nombre de cinq.
L'existence de points communs entre le bouddhisme et le yogatantra tibétain ne prouve en aucune façon un quelconque emprunt du bouddhisme à la médecine. Cela prouve au contraire que l’on peut comparer le bouddhisme à autre chose que la médecine. Dès lors, on pourrait tout aussi bien en conclure à un emprunt du bouddhisme, non a` l’Ayurveda indien, mais au yogatantra tibétain
Sylvain Mazars in Le bouddhisme et la médecine traditionnelle de l’Inde.
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