Enseignement de Bhaishajyaguru, Bouddha de médecine

 


... [ ] La plupart du temps, nous n'avons évidemment aucune idée de la raison pour laquelle nous sommes malades. Cela se produit en conséquence de notre incapacité actuelle à reconnaître un grand nombre d'émotions négatives que nous refoulons intérieurement et à "voir", avec l'œil de la sagesse, les actions karmiques, généralement commises dans des vies passées, responsables de ce genre d'émotions et de nos maladies. Cette reconnaissance est la condition préalable pour "voir" directement la relation entre les états mentaux/émotion- nels négatifs et les actes nuisibles, d'une part, et les maladies, d'autre part. La pratique du Bouddha de médecine finit également par dissiper les voiles de l'esprit qui font obstruction à de telles prises de conscience. Dans l'intervalle, si nous comprenons le principe général des causes et des effets karmiques et avons confiance en la possibilité d'une purification spirituelle, nous pouvons pratiquer le Bouddha de médecine et obtenir des résultats bien avant la nais- sance de cette vision spirituelle pénétrante.

Parce que toutes les maladies sont basées sur des actions nuisibles et des problématiques émotionnelles qui leur donnent naissance, tous ces bienfaits peuvent se manifester. La pratique du Bouddha de médecine est l'un des moyens les plus profonds de purifier ce genre de causes ainsi que les empreintes karmiques qu'elles laissent dans l'esprit et qui se manifestent ensuite sous forme de maux et de comportements compulsifs. C'est ainsi que le Bouddha de médecine écarte les causes de nos maladies en même temps que les maladies elles-mêmes.

Il est nécessaire de comprendre comment la sadhana ou pratique du Bouddha de médecine s'intègre aux enseignements du Bouddha en général et aux enseignements du Vajrayana en particulier.
Tous les enseignements du Bouddha peuvent se subdiviser en deux catégo ries: "shamatha" et "vipashyana", respectivement le calme mental et la vision pénétrante. Dans la tradition hinayaniste du bouddhisme, le but des enseigne ments vipashyana est de démontrer l'absence d'existence propre de l'individu quelque chose appelé "absence totale d'ego" ou "désintéressement personnel" et l'absence d'existence véritable des phénomènes matérielles grossières. Le but des enseignements vipashyana constituant la première moitié des enseignements du Mahayana qui furent diffusés lorsque le Bouddha tourna la roue du Dharma pour la seconde fois - ett d'élargir cette compréhension pour inclure l'absence d'existence véritable du plus petit phénomène subtil, y compris les atomes et la matière subatomique, l'énergie, le temps, jusqu'à la moindre forme de conscience. Ces deux compré hensions unies sont appelées la "double absence d'ego" ou "absence d'ego de l'être et absence d'ego des phénomènes". Ces deux formulations sont comprises dans les termes "shunyata" ou "vacuité".

La deuxième moitié des enseignements du Mahayana, lorsque le Bouddha tourna la roue du Dharma pour la troisième fois - continue à démontrer que la vacuité n'est pas qu'un simple néant, ni l'autre côté de la médaille de l'in- terdépendance, ni même simplement un état au-delà de tout concept. Le troisième ébranlement de la roue enseigne que cette vacuité bien que ne possédant aucune des caractéristiques de limitation, telles que couleur, forme, taille, localisation, substance ou genre, et étant au-delà de tout voile cognitif et émotionnel - n'est pas vide de sa nature propre, la lumineuse clarté de l'esprit, qui inclut tous les aspects de la réalité et que nous appelons "claire lumière". Dans cette clarté vide et lumineuse s'unissent sous forme d'une seule qualité indifférenciée toutes les caractéristiques positives que nous conceptualisons habituellement comme distinctes les unes des autres, telles que l'intelligence, la sagesse, la compassion, les moyens habiles, la dévotion, la confiance, le pouvoir de guérison, etc.

Dans la tradition du Vajrayana différentes manifestations de cette qualité unique s'élèvent de la nature de la claire lumière sous la forme de divinités telles que Bouddha de médecine, Vajrayogini, Tara, Vajradhara, Vajrasattva ou Chenrézi. Bien que, du point de vue de la vérité relative, certaines de ces déités, sinon toutes, existent vraiment en tant qu'êtres particuliers que l'on peut implorer, elles existent ainsi uniquement et seulement parce que les qualités qu'elles incarnent étaient déjà inhérentes à la nature de la claire lumière, la nature de Bouddha de leur propre esprit lorsqu'elles étaient encore des êtres vivants en proie à la confusion. De la même façon les qualités incarnées par ces divinités sont présentes aujourd'hui dans l'esprit de tous les étres en proie à cette même confusion.

Il est possible de mieux saisir la nature essentielle de toutes ces divinités en comprenant la nature essentielle de leur corps, parole et esprit. Le corps de la divinité est l'union des apparences et de la vacuité. Il se manifeste chez le pratiquant lorsque l'expérience de celui qui perçoit et de la chose perque est purifiée. Purifiée de quoi ? Purifiée de la saisie et de la fixation ainsi que de tous les voiles de l'esprit qui en découlent. L'expérience est purifiée de la saisie sensorielle ou attachement à un soi et de la fixation sensorielle sur tout ce qui est perçu comme étant autre que soi. Selon les paroles de Guru Rinpoché: "Celui qui perçoit et la chose perçue, une fois purifiés, sont le corps de la divi- nité, claire vacuité."

La parole de la divinité est l'union du son et de la vacuité. Nous savons tous que le son est intangible, mais les sons et paroles sans l'expérience de leur vacuité ont le terrible pouvoir de nous blesser, de nous injurier, de nous exalter, de nous stimuler, de nous fasciner, etc. Cependant, lorsque les paroles et la communication verbale sont considérées comme de simples sons, comme l'union du son et de la vacuité, leur pouvoir sur nous disparaît. Nous les expé- rimentons alors avec une parfaite équanimité et nous ne nous laissons pas détourner par elles de quelque manière que ce soit.

L'esprit de la divinité est l'union de la conscience et de la vacuité. Les expé- riences des cinq consciences sensorielles et de la conscience du mental s'élè- vent dans un kaleidoscope de pensées, d'afflictions mentales, de sentiments positifs et négatifs, de sensations heureuses et douloureuses et de perceptions dualistes subtiles, en mutation constante, qui ont le pouvoir, en l'absence de la compréhension vécue de leur vacuité, de nous entraîner dans des mélodrames mentaux extrêmes et surprenants, bien que parfois très subtils, avec leur cortège de souffrances, Cependant, lorsque l'on reconnait la vacuité essentielle de toutes ces expériences et que l'on cesse de les désirer et de les rejeter, elles se fondent ou s'autolibèrent dans leur lieu propre, l'espace de la conscience vide et lumineuse.

Toutes les divinités partagent ces trois aspects de la nature essentielle de l'esprit que nous appelons aussi "Mahamudra" ou "Dzogchen". Tout individu qui pratique la méditation d'une divinité avec assez de diligence et de persévé- rance finira par réaliser cette même nature-le corps, parole et esprit de la divi- nité-en lui-même tandis qu'il devient la divinité.

En même temps, chaque divinité possède ses propres bénédictions relatives. Si l'on médite sur Chenrézi, on finira par réaliser le Mahamudra ou leDzogchen et par atteindre l'état de Bouddha, l'éveil complet. Mais à court terme, on expérimentera une augmentation de notre bonté et de notre compassion. Si l'on médite sur Tara verte, on finira par atteindre l'illumination, mais à court terme, on expérimentera la libération des peurs et des paralysies mentales, l'accroissement de la capacité à accomplir ses objectifs et de la compassion active. Si l'on médite sur Manjushri, on finira par atteindre l'éveil, mais à court terme, on expérimentera une augmentation de l'intelligence, de la vision intérieure et de la sagesse. Si l'on médite sur le Bouddha de médecine, on finira par atteindre l'éveil, mais entre-temps, on expérimentera un accroissement des pouvoirs de guérison, à la fois pour soi et pour autrui, une diminution des maladies physiques et mentales et l'apaisement de la souf- france. Que l'on ait ou non une forte motivation d'atteindre la bouddhéité, nous désirons tous ces sortes d'objectifs relatifs, et la méditation des divinités nous donne donc une puissante motivation pour la pratique du Dharma.

Extrait du Livre: Soigner, guérir grâce au Bouddha de médecine